top of page
Photo du rédacteurNicolas Blanchette, Ost, B.sc kin

Soulager les reflux gastriques grâce aux exercices respiratoires

Dernière mise à jour : 30 mai


Les reflux gastro-œsophagiens (RGOs), communément appelés reflux gastriques ou encore brûlements d’estomac, représentent un problème lié au système digestif très répandu. Si ressentir des reflux gastriques à l’occasion (après un repas copieux par exemple) n’a rien d’inquiétant, plusieurs personnes en font l’expérience de façon fréquente, parfois quotidienne, ce qui peut rapidement devenir désagréable, voir entraîner des problèmes plus conséquents à long terme.


En Amérique du Nord, selon des estimés conservateurs, un adulte sur 5 souffrirait de RGOs chroniques (El Serag et coll. 2013). De plus, les études épidémiologiques ont constaté que cette proportion tend à s’accroître chaque année (Richter et coll, 2018).

Les médicaments inhibiteurs de la pompe à proton (l’omeprazole, l’esomeprazole, le lansoprazole, le pantoprazole and le rabeprazole étant les plus fréquemment prescrits) sont habituellement utilisés en première ligne pour ce type de problème. Toutefois, ces substances ne soulagent qu’une partie de la population avec reflux gastriques et, pour ceux qui obtiennent un soulagement, les symptômes réapparaissent souvent lorsqu’on cesse d’utiliser le médicament (Scarpellini et coll, 2016).

De plus, l’utilisation de ces médicaments sur le long terme pourrait être associée à une hausse de risques pour certains troubles des systèmes respiratoires, circulatoires et digestifs, particulièrement chez les personnes âgées (Laine et coll, 2016).

Ce constat rend l’expérimentation pour réussir à trouver d’autres façons de réduire/éliminer les RGOs particulièrement pertinente. Parmi les méthodes non-pharmaceutiques envisagées, les exercices respiratoires représentent une avenue sans risque très intéressante. Or, il est rassurant de constater que ces derniers sont en train de faire de plus en plus leurs preuves dans la recherche scientifique à travers le monde.



Qu’est-ce qui causent les RGOs ?

Pour permettre la digestion, l’estomac se contracte de façon autonome régulièrement. Il sécrète des enzymes et de l’acide hydrochlorique. Heureusement, l’estomac lui-même est fait pour résister à ce puissant acide! En effet, un système de valve permet d’empêcher l’acide de s’écouler vers l’intestin (plus bas) ou d’être refoulée vers l’œsophage (plus haut). Lors de cette dernière éventualité, la personne peut ressentir une sensation de brûlement désagréable. Les reflux peuvent également encourager la toux. Parfois, ils ne causent pas de symptômes perceptibles et on peut même avoir des RGOs pendant plusieurs années sans en être conscient(e) (on le découvre parfois suite à des examens médicaux). De façon peu fréquente, les RGOs chroniques peuvent entraîner des conséquences plus sérieuses comme l’œsophagite. Cette condition peut causer des ulcères de l’œsophage, des saignements et des difficultés à avaler. Souffrir de RGOs chroniques constitue également un facteur de risque connu pour développer le cancer de l’œsophage (Cleveland Clinic, 2022). Il existe deux raisons principales qui peuvent contribuer à ce que l’acide gastrique soit refouler dans l’œsophage. En premier lieu, l’effet mécanique ; une augmentation de la pression dans la cavité abdominale contenant l’estomac peut entraînement un refoulement de l’acide vers le haut. C’est le cas, par exemple, lorsque l’estomac est très rempli (je savais que la dernière pointe de tourtière du réveillon était de trop!). L’obésité, (la quantité de tissus adipeux accroît la pression sur l’estomac), la grossesse (dernier trimestre) et certains troubles de la vidange gastrique impliquent aussi ce mécanisme.


L’autre cause connue est l’affaiblissement du mécanisme de barrière anti-reflux (Ness-Jensen et coll, 2016). En temps normal, l’étanchéité de la jonction entre l’œsophage et l’estomac est assurée par un effet de valve. Cette dernière est constituée de membranes de tissus conjonctifs. Elle est renforcée par l’action de muscles qui se contractent. Ces muscles sont le sphincter œsophagien inférieur et la portion crurale (centrale) du diaphragme.

Le diaphragme est un muscle versatile : il participe au mécanisme anti-reflux, mais, surtout, ce grand muscle en forme de parapluie est le principal acteur de la respiration. À chaque inspiration, sa contraction altère la pression intrathoracique, ce qui permet aux poumons de prendre leur expansion. Suivant ce cycle, le muscle se relaxe et le volume pulmonaire diminue, entraînant l’expiration.


Lien entre anxiété, dépression et RGOs

Dans de précédents articles, je vous ai exposé les liens qui existent entre anxiété, dépression et douleur persistante. Cette relation a aussi été démontré au sujet de la sévérité des RGOs chroniques (Yang et coll, 2015). Ce lien va dans les deux sens : présenter des symptômes désagréables peut renforcer notre état anxieux ou dépressif, ce qui créer un cercle vicieux qui s’auto-renforce. À l’inverse, l’anxiété et la dépression peuvent aggraver les symptômes de RGOs ou augmenter notre sensibilité au phénomène. En état de perception de menace, l’activité de notre système nerveux autonome change de façon instinctive : l’organisme se positionne pour réagir (élévation de l’activité sympathique). Ceci aura pour effet de modifier la fréquence respiratoire : elle s’accélère, même au repos. La respiration devient plus courte et superficielle et la musculature de soutien à la respiration est davantage impliquée. Par ailleurs, plusieurs de ces muscles sont reliés au cou ; est-ce un hasard que les maux de cou chroniques soient fréquemment associés à l’anxiété ? (simple supposition de ma part, ici)

En état de stress prolongé, il arrive que ‘’l’interrupteur’’ reste bloqué à ON (Joshi et coll, 2004). C’est-à-dire, le système nerveux demeure dans un état d’activation sympathique chroniquement élevé, ce qui peut entraîner plusieurs répercussions tels que de l’insomnie, des troubles digestifs, une diminution de la capacité de concentration et de la douleur persistante. Au niveau respiratoire, cela peut se traduire par une moins grande activation du diaphragme à chaque respiration au profit de la musculature de soutient (Newberry et coll. 2019). À long terme, le mécanisme de barrière anti-reflux peut vraisemblablement être affecté.


Recherche sur les exercices respiratoires pour réduire les RGOs

C’est en s’intéressant aux fonctions du diaphragme que les chercheurs et chercheuses ont émis l’hypothèse selon laquelle il pourrait être possible d’améliorer les symptômes des gens qui souffrent de RGOs en ‘’réentraînant’’ le diaphragme. Depuis, des recherches récentes ont permis de démontrer que les exercices respiratoires permettaient en effet d’accroître la tension du diaphragme crural, ce qui a pour effet de renforcer le mécanisme de barrière anti-reflux. Dans les études, au fil du temps, ces exercices permettent souvent de réduire le dosage de la médication anti-reflux chez les gens souffrant de RGOs chroniques (Casale et coll, 2016)*.


Dans une méta-analyse récente (Qiu et coll, 2020), les exercices respiratoires ont produit des résultats sur plusieurs variables quantitatives et qualitatives impliqués dans les RGOS tels que :


  • une amélioration de la pression de la valve gastro-œsophagienne

  • une amélioration de la pression respiratoire moyenne

  • de meilleurs scores au tests de manométrie gastro-œsophagienne

  • une réduction des signes de dommages à l’œsophage via endoscopie

Surtout, les symptômes des patient(e)s se sont améliorés et les exercices ont permis de réduire le dosages de médicaments anti-reflux*.

*PS : Rappel de sécurité. Pour tout ce qui concerne l'ajustement d'une médication, il faut toujours en discuter avec son médecin d'abord!

 


Pratiquer la respiration diaphragmatique

Il existe plusieurs variations d’exercices respiratoire différents ayant potentiellement des effets similaires pour les RGOs. J’ai sélectionné un protocole parmi ceux utilisé dans la méta-analyse de 2020. Voici ce qui avait été utilisé avec les patient(e)s pour réduire leurs reflux gastriques[1]. [1] Le masculin est ici utilisé afin d'alléger le texte. Évidemment, il s’agit du même protocole pour une patiente.


1. Le patient est couché sur le dos.

2. Il place une main à plat sur sa poitrine (thorax) et l’autre sur son abdomen, juste au-dessus du nombril.

3. Le patient inspire lentement par le nez en visant une durée de 4 secondes. L’objectif est de se concentrer sur l’expansion de l’abdomen lors de l’inspiration. Visualiser votre ventre comme un ballon qui se gonfle lentement.

4. Le patient expire lentement par la bouche en visant une durée de 8 secondes (deux fois plus long que l’inspiration). La durée peut être augmentée progressivement au fil des sessions. Si le patient a de la difficulté à prolonger son expiration, on peut lui enseigner de souffler doucement entre ses lèvres entrouvertes. Visualiser votre ventre comme un ballon qui se dégonfle lentement.

5. Répéter les étapes 3 et 4 pour environ 5 minutes (ou approximativement 30 respirations profondes).

Les auteurs de l’étude ont obtenu de bons résultats en utilisant ce protocole à raison de 3 x par jour ( 3 x 5 minutes), 4 jours par semaine, pendant 1 mois.

Une fois que les sujets avaient bien maîtrisé l’exercice en position couché et debout, après les 4 semaines de l’étude, on leur recommandait d’utiliser la respiration diaphragmatique en cas de besoin. Davantage de recherches seront nécessaires pour mieux connaître le dosage/fréquence le plus efficace pour maintenir l’aptitude acquise après l’entraînement initial. Mais le kinésiologue en moi pense que cela tomberait sous le sens de pouvoir conserver nos acquis en réduisant la fréquence d’entraînement de moitié (faire 1-2 x par jour, 2 fois par semaine, par exemple).

Alimentation et reflux gastriques

Outre la gestion de l’anxiété, mentionnons que l’alimentation joue un rôle important dans les RGOs. (Gupta et coll, 2022).

Les aliments riches en lipide, en sel ou encore très épicés sont plus susceptibles de créer des reflux gastriques. Les aliments ultra-transformés (ayant subi plus d’une transformation) tels que la restauration rapide ou les repas congelés renferment fréquemment ces éléments. En revanche, les aliments riches en fibres et en eau ont généralement un effet positif sur les reflux : c’est le cas de nombreux fruits et légumes. Pour de plus amples informations, n'hésitez pas à consulter un(e) nutritionniste.

En conclusion

Plusieurs professionnel(le)s du domaine de l'exercice et de la réadaptation (comme un(e) kinésiologue) possèdent les aptitudes nécessaires pour vous accompagner et vous aider à développer une bonne pratique des exercices de respiration ayant le potentiel d’influencer les RGOs persistants. La science montre qu'il est pertinent d’inclure à son agenda, quelques fois par semaine, une petite session de quelques minutes à peine d’exercices respiratoires. Qui plus est, ces exercices sont connus pour avoir d’autres effets positifs, entre autres en contribuant à réduire l’anxiété et améliorer la concentration et la qualité du sommeil (Ma et coll, 2017). Mise-à-jour (Juin 2024) Cette étude récente a permis de mettre en lumière que les tractions manuelles cervicales ainsi que la thérapie manuelle de la région sous-diaphragmatique en direction inférieure auraient aussi un effet positif sur les sphincters gastro-oesophagiens pour aider à réduire les reflux (Bitnar et coll, 2021)

 

Nicolas Blanchette pratique l’ostéopathie et la kinésiologie avec son équipe Ostéo-Solution sur la Couronne Nord de Montréal. Vous pouvez prendre rendez-vous directement en ligne.

Vous êtes thérapeutes manuel(le)s et/ou professionel(le) de l'exercice ? Découvrez notre série de formations continues avancées



Sources Qiu et coll, The effects of breathing exercises on patients with GERD : a meta-analysis, Annals of Palliative Medicine, 2020

Ong et coll, diaphragmatic breathing reduces belching and proton pump inhibitor refractory gastrooesophageal reflux symptoms, Clin. Gastroenterol Hepatol, 2018


Autres références dans le texte



3 038 vues0 commentaire
bottom of page