Si tu continues à te tenir comme cela, tu auras inévitablement mal au dos!’’. ‘’Si tu ne veux pas avoir mal au dos, tiens-toi droit!’’
Qui n’a jamais entendu ces énoncés ? La croyance populaire veut que le fait de maintenir une ‘’bonne posture’’ aurait un rôle important à jouer pour protéger notre colonne vertébrale d’éventuel dommages ainsi que pour soigner les épisodes de maux de dos. Se tenir grand et droit, placer sa colonne bien ‘’alignée’’ ou encore soulever des objets sans fléchir le dos en se servant surtout de ses jambes sont autant de recommandations fréquemment données pour essayer de soit prévenir, soit guérir les maux de dos.
À l’opposé, le fait de présenter un dos plus arrondi, plus voûté ou de soulever des charges avec la colonne en flexion est souvent blâmé pour divers problèmes de dos. Mais ces croyances populaires sur la posture sont-elles basées sur la science ? Les gens qui se tiennent le dos ‘’droit’’ jouissent-ils réellement d’une meilleure santé du dos ?
En science, ce qui semble faire du sens en apparence ne correspond pas toujours à la réalité lorsque l’on se met à tester des hypothèses de manière rigoureuse!
De manière peut-être surprenante, les preuves scientifiques liant la douleur à la posture sont plutôt faibles et peu nombreuses.
Par exemple, les revues systématiques des recherches dans le domaine ont montré généralement peu d’effet des interventions ergonomiques visant à corriger la posture pour réduire les incidences ou la sévérité des maux de dos et de cou. Ceci a été constaté que l’on fasse du travail du bureau (Driessen et coll, 2010) ou encore du travail physique impliquant de soulever des charges (Clemes et coll, 2010). La perception que nous avons collectivement d’une posture ‘’souhaitable’’ semblerait davantage basée sur la désirabilité sociale et sur des présomptions non-fondées que sur ses effets réels sur la santé et la performance.
Bien assis ?
À ce jour, les revues de la littérature sur le sujet arrivent toutes à la conclusion qu’il n’existe malheureusement pas une posture spécifique qui permettrait de se protéger des épisodes de maux de dos mieux qu’une autre. En effet, les gens qui souffrent moins de maux de dos ne s’assoit pas différemment de ceux qui vivent davantage d’épisodes de lombalgie! La conclusion est la même que l’on s’intéresse aux postures assises (Swain et coll, 2020) ou debout (Laird et coll, 2014). C’est aussi la même chose chez nos adolescent(e)s (O'Sullivan et coll, 2011). En outre, le fait que l’on se tienne très droit ou avec le dos voûté ne semble pas avoir d’incidence sur le nombre d’épisodes de maux de dos que nous vivrons (Slater et coll, 2019).
Soulever des charges
Les graphiques d’ergonomie de travail montrent depuis longtemps des pictogrammes sensés nous enseigner comment il faut soulever des charges pour ne pas se blesser. On déconseille d’arrondir notre dos et on suggère de le maintenir le plus droit possible tout en travaillant surtout avec nos jambes. Est-ce que soulever des charges avec le dos arrondi est néfaste ? Se blesse-t-on davantage au dos si on le fait ? Qu’en dit la science ?
Surprise : les revues systématiques des recherches ne montrent aucune relation entre soulever une charge avec la colonne lombaire en flexion et les chances de se blesser davantage (Saraceni et coll, 2019) !
De manière intéressante, les individus qui n’ont pas mal au dos soulèvent plus souvent des charges avec une posture voûtée. En revanche, ceux et celles qui vivent des épisodes de maux de dos ont davantage tendance à soulever en utilisant leurs jambes et en maintenant un dos droit! En d’autres mots, les lombalgiques ont davantage tendance à surprotéger leur dos et à surveiller leurs mouvements que leurs collègues qui n’ont pas mal au dos. En revanche, lorsque ces même personnes se portent mieux, elles adoptent des positions de la colonne vertébrale beaucoup plus variées (Wernli et coll, 2020).
Aurions-nous mal compris depuis le début ? L’ajustement dans la posture du dos lors du soulèvement de charge semble davantage une conséquence d’avoir déjà mal au dos qu’une position qu’il serait souhaitable d’adopter pour éviter les maux de dos !
La posture : un concept à repenser
Les recherches modernes nous montrent qu’il n’existe aucune preuve d’une posture ‘’optimale’’ pour prévenir ou réduire les épisodes de maux de dos.
Les colonnes vertébrales des individus sont retrouvées en myriades de différentes formes, grosseurs et courbures, ce qui fait que la posture est quelque chose d’hautement individuel (et c’est parfait ainsi!).
À travers le monde, les expériences scientifiques nous montrent qu’il est important de bouger régulièrement pour maintenir un dos en santé. Par conséquent, apprendre à varier et adopter plusieurs postures dans lesquelles nous sommes confortables semble être définitivement plus utile que d’adhérer de façon rigide à un guide de ‘’bonnes postures’’ très arbitraire!
Optimiser son ergonomie, certes, mais, surtout, s’offrir plusieurs périodes pour bouger et changer de position!
Le rôle de l’alignement des segments de la colonne vertébrale n’est pas de plaire à un critique observateur externe ou à un modèle standard universel! C’est de nous aider à accomplir efficacement et de manière sécuritaire des tâches physiques : se tenir debout, s’assoir, marcher, courir, ramasser des objets, etc.
La posture devrait logiquement être jugée sur la façon dont l’on se sent lorsque l'on performe ces activités. Pas sur le ‘’look’’ qu’elle nous donne!
Si ce n’est pas la posture, alors quoi ?
Croyez-le ou non, les recherches montrent que, pour approximativement 90% des maux de dos, il n’est pas possible d’identifier avec certitude un tissu endommagé ou une pathologie spécifique à l’aide des examens médicaux (Maher et coll, 2017).
Certes, telle une entorse de la cheville, les maux de dos peuvent être parfois causés par un effort soudain, inhabituel ou brusque. Toutefois, la majorité du temps, le mal de dos semble apparaître spontanément, après un mouvement tout à fait anodin que vous avez déjà réalisé des milliers de fois sans problème par le passé : se pencher pour ramasser un crayon, monter les escaliers, tousser, etc. D’autre fois, la lombalgie aigue s’installe sans aucun mouvement. Un peu comme un mal de tête sournois qui se manifeste sans raison apparente!
Il n’est malheureusement pas possible de s’immuniser complètement contre un mal de dos occasionnel! Toutefois, les recherches nous montrent que nous sommes plus vulnérables aux épisodes de maux de dos lorsque notre état de santé général est impacté par différents facteurs. Par exemple :
Se sentir déprimé ou anxieux
Être fatigué
Faire peu d’exercice physique (moins de 20 minutes d’exercice modéré par jour).
Par ailleurs, les maux de dos sont susceptibles de persister dans le temps si :
Nous sommes profondément inquiets et effrayés par rapport à notre état (Picavet et coll, 2002)
Nous surprotégeons notre dos en évitant de bouger, de faire des activités physiques, de travailler ou de participer à des activités sociales pendant plus de quelques jours (Chen et coll, 2017)
Que peut-on faire pour aider notre situation à s'améliorer ?
Pour une minorité de cas (moins de 5%), le mal de dos peut malheureusement être causé par une pathologie plus grave telle une fracture, une tumeur, une infection ou une atteinte à un nerf (impliquant des pertes de sensation et/ou de force dans les jambes). Une consultation médicale est alors nécessaire.
Heureusement, dans la vaste majorité des cas, le mal de dos est associé à une sensibilisation de la région du dos sans atteinte identifiable des composantes anatomiques aux examens médicaux.
Dans cette situation fréquente, mettre trop d’emphase sur la nécessité de maintenir une ‘’bonne posture’’ ne semble pas la priorité. Cela peut, au contraire, nous empêcher d’accorder plus d’importance aux autres facteurs qui sont davantage en lien avec une bonne santé. Ces derniers sont, entre autre, :
Réaliser quotidiennement de l’exercice physique
S’avoir s’accorder du temps pour soi et se reposer
Cuisiner et bien s’alimenter afin de maintenir un poids santé
Développer sa force et son endurance pour réaliser avec confiance nos tâches de la vie quotidienne
Maintenir des relations sociales gratifiantes
Prendre soin de sa santé physique et mental
Faire régulièrement bouger sa colonne vertébrale de plusieurs manières différentes
Le rôle du thérapeute manuel et du kinésiologue
La thérapie manuelle telle que pratiquée par une variété de professionnel(le)s comme les ostéopathes peut aider à désensibiliser la douleur temporairement. Ce n’est pas un miracle, mais ça apporte souvent un soulagement et ça peut permettre de pouvoir recommencer à bouger plus rapidement!
Cela représente déjà un avantage considérable pour prendre des bonnes habitudes pour se sortir de la ‘’crise’’ de lombalgie et reprendre confiance en ses capacités innées!
Les exercices physiques tels que ceux que l’on peut apprendre de la part d’un(e) kinésilogue jouent aussi un rôle important dans la réadaptation. Bien dosés, ils permettent aussi de désensibiliser graduellement la douleur en période de crise. De plus, ils ont un effet préventif très intéressant. En réalisant régulièrement de courtes séances d’exercices, il est possible d’entraîner son système nerveux à diminuer l’intensité de la douleur de lui-même pour les prochains épisodes (De Oliveira, 2019). C’est très utile pour prévenir les récidives et s’en sortir plus rapidement la prochaine fois !
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