La meilleure compréhension de l’inflammation systémique chronique (ISC) (chronic low-dose inflammation, en anglais) et de son implication dans plusieurs maladies communes de nos sociétés représente une véritable révolution en médecine dans les vingt dernières années.
En plus des maladies, l'état inflammatoire systémique est lié à une plus grande incidence et sévérité des douleurs articulaires à caractère persistant. Une revue de la littérature de 2019 l’a reconnue comme étant impliquée dans plus de 50% de tous les décès mondialement, à travers des troubles de la santé communs comme les maladies cardiaques ischémiques, les infarctus, les accidents cérébraux-vasculaires, le diabète, le cancer et bien davantage.
Ce phénomène dont il reste encore beaucoup à découvrir est désormais de mieux en mieux étudié. Les vastes répercussions ainsi que certains facteurs contribuant au développement de cette condition ont ainsi pu être mieux identifiés.
Ainsi, nous pouvons mieux apprécié que la majeure partie des facteurs qui influence l'état inflammatoire systémique sont sous notre contrôle et qu'il est ainsi possible d'y faire quelque chose!
Toute inflammation n’est pas identique!
Le mot inflammation éveille tout de suite dans notre subconscient quelque chose de dangereux et de négatif. Or, il faut se rappeler que, à prime abord, la réaction inflammatoire est un processus biologique hautement perfectionné qui s’est développé chez le vivant sur des millions d’années. Son rôle principal est, bien évidemment, de promouvoir la survie de notre organisme. À ce titre (et comme déformation professionnelle probablement!) je ne peux m’empêcher de faire le parallèle avec la douleur aigue et la douleur persistante. Mais continuons.
L’inflammation aigue est donc une réaction de protection de notre système immunitaire dont le rôle est de nous défendre des bactéries, virus, toxines et infections en éliminant d’abord les pathogènes, puis en agissant pour promouvoir la réparation des tissus lésés et encourager la guérison. Dépendamment de l’ampleur de la réaction inflammatoire, cette dernière peut être associé à une série de modifications physiques et comportementales chez la personne qui vit le phénomène. Ces modifications impliquent des changements dans le métabolisme, les neurotransmetteurs et les hormones et se produisent pour nous permettre de conserver notre énergie et allouer davantage de ressources au système immunitaire en état d’alerte. Ces changements sont appelés ‘’comportement du malade (sickness behaviour)’’ et peuvent inclurent les éléments suivants :
tristesse
anhédonie (difficulté à ressentir du bonheur)
fatigue
réduction de libido
perte d’appétit
sommeil perturbé
développement de résistance à l’insuline
dyslipidémie (débalancement du profil lipidique)
Cette réaction inflammatoire normale, dite aigue, se manifeste lors de la réponse du système immunitaire à une menace. Il y aura d’abord une augmentation de l’activité inflammatoire, puis une réduction de celle-ci une fois l’obstacle surmonté (blessure, infection, etc.). Cette réaction est adaptée et tout à fait souhaitable.
Cependant, dans les dernières décennies, les scientifiques ont lié certains facteurs environnementaux, sociaux, biologiques et psychologiques à la présence d’une condition inflammatoire dont le fonctionnement diffère de la réaction discutée ci-dessus. Cet état a été identifié comme étant de l’inflammation systémique chronique (ISC).
Ce type d’inflammation bien différent se distingue par plusieurs éléments : la réaction inflammatoire est moins forte, mais perdure dans le temps. L’ISC conduit à long terme à un épuisement de nos défenses immunitaires, nous rendant plus vulnérable aux infections et aux maladies. Elle produit des changements physiologiques dans tous nos tissues et nos organes, ainsi que des changements dans la physiologie et le métabolisme de nos cellules.
Quelle sont les conséquences de l’inflammation systémique ?
Elles sont nombreuses. Ce type d’inflammation a été lié dans le développement et la progression de plusieurs troubles de la santé graves comme :
le syndrome métabolique (hypertension, hyperglycémie, dyslipidémie)
le diabète de type 2
les maladies cardio-vasculaires
les accidents vasculaires cérébrale
la stéatose alcoolique non-hépatique
les maladies chroniques du rein
la maladie d’Alzheimer
plusieurs types de cancer
la dépression
les maladies neurodégénératives et auto-immunes
l’ostéoporose (fragilité osseuse)
la sarcopénie (perte de masse musculaire)
Facteurs en causes et solution
Les travaux scientifiques réalisés jusqu’ici ont permis de retracer deux grands types de facteurs favorisant l’apparition de l’ISC : ceux qui sont hors de notre contrôle et ceux qui sont liés à nos habitudes de vie et notre environnement.
Parmi les facteurs hors de notre contrôle, on retrouve l’hérédité, la génétique, le vieillissement et la présence de maladies infectieuses chroniques telles que : cytomégalovirus, virus d’Epstein-Barr, hépatite C, VIH, maladies auto-immunes inflammatoires, etc. Bien que nous ayons peu d’influence sur cette première catégorie de facteurs, il y a quand même de bonnes nouvelles.
Par exemple, une recherche sur 210 jumeaux en santé âgé entre 8 et 82 ans a permis de démontrer que ce sont les facteurs non-héréditaires qui pèsent le plus lourd dans la balance pour expliquer les différences de niveau d’inflammation chronique entre les individus.
Relativement aux maladies infectieuses chroniques, il apparaît qu’elles interagissent de façon synergique avec les facteurs environnementaux et les habitudes de vie. L’être humain ayant évolué pour la majeure partie de sa vie en présence de nombreux pathogènes, virus et microbes, les scientifiques pensent actuellement que, bien que les maladies infectieuses chroniques puissent contribuer à l’ISC, elles ne sont pas le facteur le plus important dans l’équation.
Par exemple, des études sur diverses populations humaines non-industrialisées au mode de vie chasseurs-cueilleurs, ont permis de faire l’observation suivante. Malgré le fait que ces individus vivent en présence de pathogènes beaucoup plus nombreux que la plupart d’entre nous, ils/elles montrent des niveaux très faibles de maladies liés à un niveau d’inflammation systémique élevé.
Nous serions donc plus avisés de nous concentrer sur les facteurs sur lesquels nous pouvons avoir le plus d’influence, soit nos habitudes de vie.
L’inactivité physique
Plus de 30% de la population mondiale n’est pas physiquement active. En Amérique du Nord, ces proportions grimpent à plus de 50%. Les conséquences d’écarter l’activité physique de nos vies sont nombreuses.
En effet, les contractions musculaires génèrent la sécrétion de cytokines et de myokines, des molécules à l’effet anti-vieillissement et anti-inflammatoire.
L’exercice physique régulier est par ailleurs le meilleur moyen de prévenir les maladies cardio-vasculaires et la douleur associée à l’arthrose articulaire. Plusieurs personnes ont peur d'entreprendre un programme d'exercices à cause de douleurs articulaires déjà présentes. Mais les nombreux bénéfices de bouger devraient souvent prendre le dessus sur ces craintes fréquemment injustifiées.
Pour prévenir : atteindre un seuil minimal de 150 minutes d’activité physique modérée par semaine (20 minutes par jour), comme une marche rapide ou une randonnée, est associé à des bénéfices significatifs pour la santé. Par exemple, une vaste étude sur plus de 1.5 millions d’individus a démontré que, lorsque les gens passent d’un état sédentaire pour atteindre ce seuil de 150 minutes, ils diminuent leurs risques de mortalité en lien avec les maladies cardio-vasculaire de 23%, réduisent leur risque de développer : le diabète de 26%, plusieurs cancers de plus de 20% et l’Alzheimer de 40%.
L’alimentation
L’ISC a été lié à une consommation alimentaire élevée de sel, de sucre, d’aliments ultra-transformés (ayant subi plusieurs transformations) et d’alcool : des composantes malheureusement typiques de l’alimentation occidentale.
Pour prévenir : Avoir une alimentation riche en fruits et en légumes (la moitié de l’assiette de chaque repas!). Cuisiner soi-même ses repas en limitant les aliments transformés. Éviter les boissons gazeuses et l’alcool sur une base régulière.
L’obésité
Le tissu viscéral adipeux produit lui-même des molécules inflammatoires qui rendent le système immunitaire plus vulnérable. Les recherches montrent que l’obésité, particulièrement l’obésité des enfants, joue un rôle important dans le développement des maladies inflammatoires systémique à travers le monde.
Pour prévenir : l’obésité est une maladie complexe au cœur de laquelle se trouve un déséquilibre énergétique. L’obésité est mieux traitée lorsqu’elle est prise en charge selon une approche multimodale incluant des interventions sur l’alimentation, l’exercice, la psychologie, et d’autres sphères qui touche l’individu.
Le sommeil et le stress chronique
Le sommeil représente le principal moment de régénération de notre organisme. Les perturbations du sommeil et du rythme circadien peuvent entraîner de sérieuses conséquences, y compris au niveau du développement de douleurs chroniques et de niveau d’inflammation systémique élevé.
Par exemple, une étude a montré que les travailleurs/travailleuses de nuit voient leur chance de développer un syndrome métabolique augmenter par rapport à ceux et celles ayant un horraire de travail diurne. Ce type d’horaire semble être également un facteur en cause dans le développement de l’obésité, du diabète de type 2, des maladies cardio-vasculaires et dans certains cancers.
Pour prévenir : Adopter une hygiène de sommeil adéquate (7-9 heures par jour pour un adulte 18-64 ans) et tenter, autant que possible, de bâtir son horaire selon les heures de luminosités. Rechercher un environnement de travail sur lequel on peut avoir un meilleur sentiment de contrôle pour réduire le stress psychologique.
L’exposition aux polluants
Chaque année, on estime à 2000 le nombre de nouveaux polluants environnementaux auquel notre organisme doit faire face. Ces polluants peuvent générer une réaction immunitaire de défense et ont les associe à l’ISC dans la littérature.
Pour prévenir : Passer du temps en nature dès que possible. Chercher à s’éloigner d’importantes sources de pollution. Ne pas fumer.
Conclusion
Bien que les études sur l’inflammation systémique chronique se poursuivent, nous en connaissons déjà suffisamment sur le sujet pour saisir l’ampleur de toute l’importance d’adopter de saines habitudes de vie.
Demandez-vous en premier lieu : quels sont les changements les plus faciles que je peux initier dès maintenant dans mes habitudes de vie ?
Vos petites décisions d'aujourd'hui pourraient entraîner demain des conséquences plus importantes que vous ne le soupçonnez!
Nicolas Blanchette pratique l’ostéopathie et la kinésiologie avec son équipe Ostéo-Solution sur la Couronne Nord de Montréal. Vous pouvez prendre rendez-vous directement en ligne.
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Sources
BRODIN et coll, Variation in the human immune system is largely driven by non-heritable, influences, Cell, 2015
FURMAN et coll, Chronic Inflammation in the etiology of disease across the life span, Nature Medicine, 2019