En Amérique du Nord, le mal de dos est la condition la plus commune nécessitant une consultation en réadaptation physique (physiothérapie, ostéopathie, chiropraxie, etc.) . C’est la troisième cause d’invalidité, derrière les maladies cardiaques et respiratoire. Le mal de dos, particulièrement le mal de dos persistant, est une condition multifactorielle qui peut être influencé, autant positivement que négativement, par plusieurs éléments autant physiques que psycho-sociaux. L’une des causes physiologiques d’un épisode douloureux de mal de dos peut être, par exemple, une hernie discale.
Mais qu’est-ce qu’une hernie discale ? Est-ce que c’est grave ? Est-ce que ça guérit ? Dans combien de temps cessera-t-on d’avoir mal ? Que peut-on faire pour se sentir mieux ? Peut-on faire de l’exercice même si l’on a une hernie discale ? Doit-on se faire opérer ? Trop souvent, les patient(e)s qui recoivent ce diagnostique demeurent dans l’ignorance sur plusieurs de ces questions. Or, les connaissances sur la hernie discale ont considérablement évolué dans les deux dernières décennies. Je vous propose d’en faire un survol qui, je l’espère, se révélera aussi éducatif que rassurant!
Qu’est-ce qu’une hernie discale ?
Entre chaque vertèbre de notre colonne se trouve un disque intervertébral. Ces derniers assurent la fluidité des mouvements de notre rachis tout en jouant le rôle de petits coussins qui répartissent les pressions. L’usure articulaire précoce (arthrose), lorsqu’elle touche le disque intervertébral (discarthrose) peut apporter un disque à se dégrader plus rapidement que par le simple effet normal du vieillissement. Ainsi, le noyau gélatineux peut se déformer et causer davantage de pression sur une portion du disque (bombement). L’anneau peut aussi se fissurer et laisser le noyau discal s’immiscer à travers la fissure (hernie).
La discarthrose est un processus complexe dont la science ne comprend pas encore tous les tenants et aboutissants. On sait cependant que plusieurs facteurs liés aux habitudes de vie la favorisent : la sédentarité et le tabagisme par exemple. À l’inverse, adopter un style de vie physiquement actif a été démontré comme réduisant la sévérité et la fréquence des épisodes de maux de dos (Hicks et coll. 2005). Certaines activités physiques avec de petits impacts, telles que la course à pied, auraient même le potentiel de rendre les disques plus robustes ! (Belavy et coll. 2017).
Quels sont les symptômes ?
Au départ, c’est habituellement une forte douleur au niveau lombaire. Cette dernière est fréquemment accompagnée d’irradiations et d’altérations temporaires des sensations au niveau d’une jambe. Ce peut être sous forme de chocs électriques, de sensations de brûlures ou de froid, voir des picotements. Il peut y avoir une diminution soudaine de la force dans une jambe. En effet, c’est ce que l’on peut ressentir lorsqu’un nerf est sensibilisé par de l’inflammation.
Lorsqu’on expérimente des symptômes très aigus qui empêche de dormir ou qui ne s'atténuent pas avec le temps, il est important de prendre rendez-vous avec son médecin pour une évaluation et pour s’assurer de contrôler la douleur dès le début. Nous verrons très bientôt pourquoi cette étape est importante.
Est-ce que c’est fréquent ?
Avoir une hernie discale, c’est très fréquent. Et ce n'est pas forcément trop dérangeant! Le plus souvent, on peut en avoir une sans même le savoir et très bien vivre avec, sans aucune douleur! On peut le découvrir par accident, en passant une résonnance magnétique pour une autre condition par exemple.
Les hernies discales symptomatiques, c’est-à-dire, celles générant une réponse douloureuse ne représenteraient en effet que de 1 à 3 % de toutes les hernies discales et toucheraient davantage les gens entre 30 et 50 ans .
D’ailleurs, 95% de toutes les hernies discales se produisent au niveau des deux derniers disques intervertébraux, ceux qui subissent davantage les pressions gravitationnelles.
Est-ce qu'il faut avoir fait un effort important avec son dos pour se faire une hernie discale ?
La majorité du temps, ce n'est pas le cas! Suri et coll. (2010) ont identifié que 62% des hernies discales se ‘’déclenchent’’ sans évènement physique identifiables (de manière spontanée). Dans ces recherches, soulever des charges lourdes n’avait d'ailleurs déclenché un épisode de douleur lié à des hernies discales que 6,5% du temps.
Ces statistiques valident l’hypothèse d’une lente dégradation très graduelle en lien avec l'arthrose davantage que celle de microtraumatismes répétés reliés aux efforts physiques. Les hernies discales ne se produisent pas en forçant avec son dos. Au contraire, entraîner régulièrement ce dernier permet de prévenir et de ralentir la discarthrose (En savoir plus) ! La discarthrose est un processus génétique / héréditaire qui est cependant influencé par les habitudes de vie! Sans discarthrose, les disques intervertébraux sont des structures incroyablement robustes.
Combien de temps cela prend avant de se sentir mieux ?
Benoist et son équipe se sont penché sur cette question dans une revue de la littérature parue en 2002 . Voici ce qu’ils ont remarqué : sans chirurgie, on peut s’attendre à une diminution importante de la douleur lombaire et sciatique après deux mois chez environ 60% des patient(e)s.
Bonne nouvelle : après un an, entre 70 et 80% des patients ne ressentiraient plus aucun symptôme!
La chirurgie est ainsi habituellement seulement réservée à certaines rares occasions : lorsque les faiblesses motrices sont sévères ou touchent par exemple la musculature pelvienne ou si aucune médication et modalités ne permet d’atténuer les symptômes.
La résorption spontanée
De plus en plus d’études ont permis d’observer que, sans chirurgie, la hernie discale pouvait diminuer de taille, voir disparaître complètement avec le temps (Chiu et coll. 2015).
Le mécanisme lié à cette dégradation impliquerait une réaction inflammatoire dont les molécules (cytokines) ont, par ailleurs, été mise en relation directe avec la douleur radiculaire (irradiations dans le membre inférieur).
Pour la personne qui souffre, il est rassurant de comprendre que la douleur initiale n’est pas vaine : elle fait partie de la réponse d’auto-guérison de notre organisme!
En effet, notre système immunitaire veille scrupuleusement sur nous ; il a été démontré que, plus une hernie discale est sévère, plus l’organisme réalise la dégradation spontanée rapidement (Jegede et coll. 2010).
Mais attention, la relation entre la dégradation de la hernie et la disparition de la douleur n’était pas directe dans les études! En moyenne, les patient(e)s commencent souvent à avoir moins mal AVANT que les changements de volume de la hernie discale soient décelables à l’imagerie par résonnance magnétique! Dans les expériences, plusieurs patient(e)s voyaient ainsi leur douleur complètement disparaître malgré l’absence de dégradation de la hernie. L’exemple inverse existe aussi : des patient(e)s dont la douleur persiste malgré la dégradation de la hernie. Cela pousse la communauté médicale à se questionner encore davantage sur le caractère complexe et multifactorielle de la douleur.
L’importance de gérer la douleur
Sans s'arrêter de bouger, il est important de maintenir la douleur sous contrôle. En effet, les recherches nous apprennent que, lorsque l’on est incapable de mitiger une sensation douloureuse intense, il y a davantage de possibilité que la douleur s’incruste et prennent un caractère persistant . C’est une des raisons qui pourrait potentiellement expliquer que pour 20 à 30% des individus, la hernie discale entraînerait une douleur persistante un an après l’épisode douloureux initial.
Comment cela peut-il être possible ? Beaucoup de données récentes nous indique que la douleur persistante serait davantage causée par un dérèglement du traitement de l’information douloureuse par notre système nerveux plutôt que par les lésions physiologiques en elle-même. C’est ainsi qu’il est possible d’expérimenter une douleur persistante réelle sans avoir de blessures visibles à l’examen médical (Nijs et coll, 2021).
C’est pour cela que, même si la hernie discale guérit par elle-même, il est nécessaire d’adopter une approche active pour contrôler la douleur pendant les premiers mois. Atténuer (et pas forcément éliminer) la sensation douloureuse peut se faire de plusieurs façons et l’efficacité de ces moyens peut varier énormément d’une personne à l’autre. Quoi qu'il en soit, il est important de demeurer actif.
Bien sûr, pour moduler les symptômes, on pensera en premier lieu à la pharmacothérapie (médication) qui a définitivement son rôle à jouer dans cette condition. Mais le contrôle de la douleur peut aussi être supplémenté par d’autre moyens, comme :
L’utilisation de glace (cryothérapie)
Les bains chauds
L’activité physique graduelle
La thérapie manuelle (ostéopathie, physiothérapie, etc)
Le fait de se confier ou de bénéficier d’un support psychologique et social
Un peu d’expérimentation est souvent nécessaire pour trouver ce qui convient le mieux à chaque personne! La recette n'est pas la même pour tou(te)s!
Qui plus est, il est important de ne pas craindre les symptômes. Il faut les respecter, tout en ne les laissant pas trop prendre le contrôle de notre vie et de nos activités! Il faut maintenir confiance en la capacité de son organisme à guérir de toute sorte de blessure! La peur et les inquiétudes sont des facteurs bien connu de chronicisation de la douleur puisque cette dernière a pour objectif d'assurer notre protection. (Denk et coll, 2014).
Hernie discale ? Pas de panique
En résumé, la littérature scientifique récente nous montre que la hernie discale est fréquente et rarement symptomatique. Si elle l’est, dans la très grande majorité des cas, la chirurgie n’est pas nécessaire et les patient(e)s se portent mieux après quelques semaines de convalescence.
Notre organisme veille sur nous : plus la hernie discale est sévère, plus la résorption spontanée par l’organisme est susceptible d’arriver rapidement. Initialement, si les symptômes sont sévères, il est important de consulter son médecin et d’avoir des options pour bien contrôler la douleur dans les premiers stades pour éviter la chronicisation de cette dernière. Les approches qui combinent différentes stratégies démontrent souvent le plus grand taux de succès (Bernetti et coll, 2020) .
Pour la personne qui souffre, il faut absolument demeurer optimiste et s’assurer de reprendre graduellement un style de vie physiquement actif dès que les symptômes nous le permettent.
L’exercice physique régulier réduit la sévérité et la fréquence des épisodes de maux de dos et permet d'améliorer la capacité inné de notre corps à moduler les sensations douloureuses à la baisse (De Oliviera et coll, 2019).
Nicolas Blanchette pratique l’ostéopathie et la kinésiologie avec son équipe Ostéo-Solution sur la Couronne Nord de Montréal. Vous pouvez prendre rendez-vous directement en ligne.
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Sources
Benoist et coll. The natural history of lubar disc herniatin and radiculopathy- Joint Bone Spine 2002
Cieza et coll. Global estimates of the need for rehabilitation based on the Global Burden of Disease study 2019: a systematic analysis for the Global Burden of Disease Study 2019, 2020
Consortium National de Formation en santé, Université d’Ottawa, 2018
Dydyk et coll, Disc Herniation, StatPearls Publishing, 2020
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