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Photo du rédacteurNicolas Blanchette, Ost, B.sc kin

Pourquoi mes muscles me semblent-ils raides ? - 1ere Partie

Dernière mise à jour : 10 mars 2022


‘’Je sens que les muscles de mon dos sont vraiment raides ces temps-ci’’, ‘’Ma hanche est tellement tendue’’, ‘’tu vas voir, mes trapèzes sont complètement bloqués’’

Voilà le type de plaintes qu’un thérapeute manuel entend tous les jours. Bien sûr, ce dernier passera la majorité de son temps à tenter de trouver une solution pour diminuer ladite sensation désagréable. Mais qu’est-ce que cela signifie, au juste, que l’on ressente que nos muscles soient raides? Cela signifie-t-il que les muscles en question sont physiologiquement tendus ? Qu’ils ne parviennent jamais à se relaxer? Qu’est-ce qui explique cette perception et que peut-on y faire ? J’expose dans cet article l’opinion du thérapeute britannique Todd Hargrove, supporté par les dernières recherches des neurosciences en la matière.

Note de l'auteur : l'article suivant est une traduction libre des textes de l'excellent Blog de Todd Hargrove. Vous pouvez vous référez à l'article original (en anglais), ici : Why Do Muscles Feel Tight?

La ‘’raideur’’ est une sensation et non une condition biomécanique

Lorsqu’un patient mentionne qu’il se sent raide dans une région musculaire particulière, sa plainte peut vouloir signifier plusieurs choses. La première tâche du thérapeute est de trouver la vraie nature de la plainte.

  • Peut-être le patient cherche-t-il à dire que son amplitude de mouvement est diminuée ? Qu’il a de la difficulté à bouger l’une de ses articulations amplement et avec facilité dans l’espace?

  • Peut-être le patient peut-il bouger amplement son épaule ou sa hanche, mais peut-être ressent-il une sensation désagréable en fin de mouvement?

  • Peut-être que cela lui demande plus d’efforts qu’à l’habitude pour réaliser un mouvement?

  • Ou peut-être son problème n’a-t-il rien à voir avec le mouvement, mais plutôt avec le fait qu’il ressent qu’une certaine région de son corps ne parvient jamais à vraiment relaxer?

  • Peut-être encore parvient-il à relaxer ladite région, mais ressent-il une vague sensation d’inconfort : une sensation qu’on ne pourrait qualifier de ‘’douleur’’, mais qui est néanmoins désagréable

Selon M. Hargrove, cette ambiguïté signifie que la sensation de raideur musculaire est justement cela : une sensation. Une sensation n’est pas la même chose qu’une caractéristique physique ou mécanique liée par exemple à au surplus de tension au sens physique, à la raideur ou à un raccourcissement. Et c’est tout à fait possible de vivre une sensation sans vivre de modification physique ou mécanique!

Par exemple, plusieurs patients nous mentionnent en clinique qu’ils sentent que leur région lombaire ou l’arrière de leur cuisse sont ‘’raides’’. Néanmoins, ces mêmes patients sont capables de déposer facilement la paume de leurs mains au sol lorsqu’il se penche vers l’avant, ce qui serait physiquement impossible avec des muscles réellement physiologiquement enraidis, incapables de s’allonger.

''Mais je me sens tellement tellement raide!''

Le contraire est aussi possible : des patients parfaitement satisfaits de la situation de leur dos ou de l’arrière de leurs cuisses sont parfois incapables de descendre plus bas que la hauteur de leurs genoux lorsqu’ils se penchent vers l’avant. En résumé, on peut avancer que la fameuse sensation de ‘’raideur’’ n’est pas toujours une manière efficace de prédire l’amplitude de mouvement disponible!

Il apparaît que la sensation de raideur ne permet pas non plus de prédire le degré de tension ou de rigidité d’un muscle, ou encore la présence de ‘’nœuds’’ ou de ‘’cordes’’ dans les fibres musculaires, comme on le pense couramment. Il arrive fréquemment qu’un thérapeute palpe une région que le patient ressent comme tendu (disons, par exemple, le muscle trapèze du cou) et que le patient lui demande au même moment :

-‘’est-ce que tu ressens comment c’est raide à cet endroit?’’

Si le thérapeute est 100% honnête, sa réponse la plupart du temps pourrait ressembler à ceci :

-‘’Hum… Non. La texture me semble la même que les tissus aux alentours. MAIS, je comprends que vous pouvez tout à fait RESSENTIR que cette région est rigide et que cette sensation vous importune. Je n’aime pas non plus éprouver la sensation d’être raide ou tendu, donc je veux vous aider à vous débarrasser de cette sensation. Mais la sensation d’être raide n’est pas la même chose que la présence réelle d’une raideur physique. Est-ce que cela a du sens à vos yeux?’’.

Pour la plupart des gens, cette explication fait, en effet, un certain sens. Mieux, elle les amène à réfléchir aux mécanismes derrière leurs inconforts. Cela peut les amener à reconsidérer l’approche à prendre pour atténuer leurs raideurs ou encore les inciter à éviter des méthodes d’acharnements thérapeutiques tels la réalisation d’exercices d’étirements douze fois par jours ou du massage agressif plusieurs fois par semaine!

Pourquoi peut-on ressentir que les muscles sont tendus même lorsqu’ils ne sont pas physiologiquement tendus?

Ici, il est très pratique d’utiliser la douleur pour faire une analogie. La douleur peut exister même en l’absence de dommages aux tissus. Pourquoi? Parce que la douleur résulte de la perception d’une menace et que la perception ne correspond pas toujours à la réalité. La douleur est essentiellement une alarme et les alarmes peuvent se déclencher parfois même sans la présence d’un danger réel.

Nous émettons l’hypothèse qu’un mécanisme similaire est impliqué dans la sensation de raideur qui nous préoccupe ici. La sensation de raideur se produit lorsque nous percevons (avec raison ou pas) qu’il y a une menace au niveau de notre intégrité biologique et que celle-ci nécessite une correction.

Mais quelle est cette menace dont la sensation de raideur cherche à nous prévenir? Cela ne peut être la présence de tension, puisque les muscles sont faits pour générer de la tension (comme lorsque l’on fait de l’exercice). De plus, nous ressentons souvent la sensation de raideur alors que nos muscles sont au repos. Bien plus que la tension, la menace en question semble venir de l’absence de repos adéquat (récupération) et/ou de flux sanguin vers les cellules (circulation). Ces deux conditions sont bien étudiées et nous avons les preuves scientifiques qu’elles produisent un stress métabolique et activent les nocicepteurs, ces terminaisons nerveuses responsables des signaux douloureux. Ainsi, la menace dont la sensation commune de raideur cherche à nous prévenir semble beaucoup plus en lien avec la fréquence de la tension et avec la circulation sanguine lorsque celle-ci est diminuée. Nous savons que les nerfs, tout particulièrement, ont un besoin d’irrigation sanguine très important.

Compression du nerf médian (et, par le même fait, de son apport sanguin) dans un cas de syndrome du tunnel carpien

En gardant cela en tête, M. Hargrove émet l’hypothèse que la sensation de raideur est une variété de douleur. Une sensation trop faible pour être appellé douleur, mais néanmoins déplaisante. Et cette forme de douleur présente un caractère qui nous motive à changer de position, à bouger et à s’étirer. Ceci la rend donc très différente d’une douleur qui nous dirait instinctivement de CESSER de bouger.

Peut-être pourrait-on dire que la douleur au sens classique nous met en garde de ne pas bouger une certaine articulation tandis que la sensation de raideur nous conseille plutôt de mettre celle-ci en mouvement plus souvent?

Comment éliminer la sensation de raideur?

Suivant l’hypothèse de M. Hargrove, il apparaît logique de suivre une méthodologie semblable au traitement de la douleur si l’on cherche à traiter la sensation de raideur. Pour ce faire, il faut chercher à changer les ‘’entrées de données’’ qui amènent le système nerveux à percevoir une menace pour notre organisme. Ces dernières incluent : la nociception bien entendu, mais aussi les perceptions, les pensées, les sensations, les croyances, les émotions, le sens donné à des souvenirs d’évènement, etc.

La douleur et la raideur (output) sont le résultats des entrées de données (inputs) interprétés par le système nerveux de l'individu (Neuromatrice de Melzack) Certaines douleurs sont, de toutes évidences, liées au mouvement ou aux habitudes posturales. Le thérapeute peut habituellement aisément le déduire si le patient nous mentionne : ‘’ ça fait mal quand je fais ceci, et ça fait encore plus mal quand je fais cela, mais moins mal quand je fais plutôt ceci’’. Dans cette situation, changez le mouvement ou la posture aidera probablement le patient puisque cela agira directement sur ce qui apporte la douleur en premier lieu : une stimulation mécanique nociceptive engendrée par le mouvement.

À l’opposé, il existe aussi plusieurs cas de douleur, particulièrement de douleur chronique, qui sont beaucoup plus complexes. Pour ces cas, on ne peut pas établir une grande corrélation entre la présence de douleurs et certains mouvements ou postures. En effet, la douleur semble davantage liée à d’autres variables très diverses telles que le moment de la journée, la quantité de sommeil, l’état émotionnel, la quantité de stress vécu, l’alimentation, l’exercice réalisé, la température ou encore d’autres facteurs inconnus. Dans ces circonstances, il est peu probable que la douleur soit issue d’une cause mécanique nociceptive. Plutôt, on pensera à une sensibilisation accrue du système nerveux central ou périphérique.

Nous pouvons probablement voir la sensation de raideur de la même manière. Dans les cas les plus fréquents et les plus simples, la cause est évidente : nous avons été pris dans la même posture ou le même patron de mouvement pendant trop longtemps; nos muscles ont besoin de repos ou d’un changement de position pour réduire l’ischémie ou le stress métabolique qui génère des perceptions nociceptives dans certaines régions du corps. Par exemple, si nous passons des heures dans une voiture, dans un siège d’avion ou derrière un ordinateur, nous éprouverons instinctivement le besoin de nous étirer et de bouger. Ceci atténuera habituellement rapidement la sensation de gêne, de lourdeur ou de raideur.

Bien sûr, la plupart des gens qui se plaignent de raideurs persistantes ont déjà essayé et essuyé un échec avec cette simple stratégie de mouvement. Dans les cas chroniques, la sensation de raideur demeure pendant des heures, parfois pendant plusieurs jours, arrive et repart à sa guise, et ne semble plus relié du tout à la posture adoptée ou aux mouvements réalisés. Dans ces cas, la cause première de l’inconfort semble avoir davantage de lien avec une hypersensibilisation du système nerveux au besoin d’accroître la circulation sanguine dans certaines régions. Le mécanisme de cette sensation pourrait se produire via plusieurs voies : réaction à l’inflammation locale, adrénosensibilité (le nerf devient plus ''sensible'' lorsque stressé), augmentation de la sensibilité de la corne dorsale de la moelle épinière ou même des associations apprises entre certains environnements (disons la salle d’ordinateur) et certaines sensations (avoir la nuque endolorie).


Dans la prochaine chronique...

À la lumière de cette hypothèse sur la sensation de raideur, nous élaborerons dans la suite de cet article sur les différents moyens qui peuvent être employés pour gérer la sensation de raideur chronique.



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Article original (en anglais), ici : Why Do Muscles Feel Tight? Mis à jour mars 2022

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Source(s) : HARGROVE, Todd, Physio Network, https://www.bettermovement.org/, 2017

Nicolas Blanchette pratique la kinésiologie et l’ostéopathie avec son équipe Ostéo-Solution sur la Couronne Nord de Montréal, au Québec. Cliquez ici pour prendre votre premier Rendez-vous

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